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Centre comme symbole spirituel et de valeurs

             

            À l’instar des utopistes de la Renaissance et de certains projets utopistes du 19e et 20e siècle, la planification d’Auroville est basée sur l’utilisation d’une géométrie circulaire et d’un centre monumental et symbolique. En effet, les valeurs qui sous-tendent ces projets peuvent varier, mais l’utilisation de la forme comme vectrice d’organisation de la société reste similaire (Solinis, 2006). Un premier parallèle entre la géométrie d’Auroville et d’autres utopies apparaît dans sa planification circulaire et dans le concept de galaxie. Durant la Renaissance, les « Cités idéales » étaient majoritairement circulaires. Cette circularité était attribuée à Vitrivius bien qu’il n’ait pas exprimé ce concept lui-même (Paden, 2001). Alberti, un architecte de la renaissance, argumente dans son traité d’architecture que certaines formes perçues comme naturelles, dont le cercle, ont une beauté inhérente à l’être humain et sont donc universelles (Alberti, 1988). C’est un concept omniprésent dans la planification d’Auroville et dans d’autres utopies comme la Broadacre City de Frank Lloyd Wright ou les Garden Cities de Ebenezer Howard. Ainsi, selon ces utopies, l’universalité de la forme et, conséquemment, de la société qu’elle produit permet sa reproduction dans le monde.

 

          L’importance d’un lieu central fort caractérise aussi la planification d’Auroville et d’autres utopies. La construction du Matrimandir, monument spirituel central à Auroville, a débuté en 1972 et s’est échelonnée sur plus de 30 ans. Celui-ci, en plus d’être un point de repère dans le paysage Aurovillien, a comme objectif de représenter les valeurs spirituelles de la ville et de son leader la « Mère ». Il doit inciter à la spiritualité, en plus d’être un espace commun et public pour ses citoyens (Auroville Foundation, 2004). Sa forme sphérique, symbole d’universalité, et sa volumétrie monumentale sont donc le reflet de ces objectifs. De plus, l’architecture intérieure avec sa chambre centrale est une extension de ce rôle de centralité spirituelle. C’est pour cette raison que le bâtiment est surnommé « l’âme d’Auroville ».

 

         Plusieurs architectes utopistes de la renaissance percevaient aussi un potentiel d’organisation social dans les monuments centraux. En effet, dans les « Cités idéales », la cathédrale était fréquemment située au centre. À travers sa taille et son architecture, elle devait inciter les citoyens à la vertu et à la religion (Paden, 2001). De plus, ces monuments représentaient l’institution spirituelle, institution qui correspondrait à la « Mère » dans le cas d’Auroville. Pour se faire, l’utilisation de formes perçues comme universelles, circulaires ou radiales, était nécessaire d’où la réapparition de la coupole et du dôme dans l’architecture italienne de la Renaissance ou d’architecture subordonnée à la nature pour Wright (Choay, 1965). Ces formes ayant une beauté considérée comme universelle, donc objective, posséderaient un potentiel d’attraction auprès des habitants de la cité. Pour Auroville, le Matrimandir reprend le rôle du « temple » si précieux à la forme urbaine des architectes de la Renaissance (Alberti, 1988). Ainsi, à une échelle plus fine, l’architecture du Matrimandir et des cathédrales témoigne d’un désir d’utilisation de la forme urbaine comme outil de reproduction de comportements sociaux. Cette relation entre espace, forme et société est omniprésente à la plupart des utopies (Solinis, 2006).

 

       

          En plus du Matrimandir, le centre d’Auroville possède un amphithéâtre et des jardins servant à la vie publique et spirituelle (Auroville Foundation, 2004). La localisation stratégique de ce lieu de rassemblement dans la planification démontre l’importance accordée à cet espace. C’est un aspect commun à d’autres utopies. En effet, le community center de Wright et, plus particulièrement, les piazzas italiennes ont une position centrale dans la plupart des plans utopistes, car elles sont associées à une vie publique forte et ordonnée (Paden, 2001). Bien qu’une forme de rigidité soit perceptible dans la planification spatiale d’Auroville, son amphithéâtre témoigne de la vision initiale de son processus de création soit un projet de société commun à ses citoyens, démocratique et évolutif (Shinn, 1985).

        

          « Broadacre est le modèle d’une portion quelconque d’un tissu uniforme qui peut s’étendre et recouvrir toute la planète avec plus de continuité que le modèle progressiste. F. L. Wright proposait d’en faire d’abord l’essai dans une région limitée des États-Unis; mais il s’agissait pour lui d’une solution universelle, destinée à une application mondiale» (Choay, 1965).

 

  

source: auroville.org
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